vendredi 31 août 2007

el hadj el hachemi guerouabi (allah yarahmou)



GUEROUABI EL Hachemi (né en 1938 - 2006) - Maître du Chaâbi.
Né le 6 janvier 1938 à El Mouradia (Alger), il grandit à Bélouizdad (ex-Belcourt) où deux passions occupent son temps : le football et la musique. Bon ailier droit, il jouera sa dernière saison en 1951-52, sous les couleurs de la Redoute AC. Au début des années 50, il commença à s'intéresser à la musique et tout particulièrement à El-Anka, M'rizek, H'ssissen, Zerbout et Lachab. Au music hall El Arbi, il se distingue en obtenant deux prix. Grâce à Mahieddine Bachetarzi, il rejoint l'Opéra d'Alger, en 1953 à 1954, ou il chantera Magrounet Lehwahjeb qui fut un suceès. Engagé à l'Opara comme chanteur, il fera aussi de la comédie et jouera dans plusieurs pièces et dans de nombreux sketches dont Dahmane la chaire et Haroun Errachid. Après l'indépendance, il rencontre Mahboub Bati avec lequel il enrichit ses connaissances, se perfectionne et enregistre des chansonnettes..

En 1962 et face à l'invasion des chansons occidentales et égyptiennes, il fallait trouver une place pour le chaâbi auprès des Jeunes. Guerouabi introduit des changements sur le genre et, avec EI barah, il aura beaucoup d'impact. Dans ce courant rénovateur auquel s'opposeront les conservateurs, on trouvera aussi El Ankis et bien entendu le compositeur Mallboub Bati. Toutefois, El harraz et Youm EI Djemaâ ont la préférence de Guerouabi qui excelle d'ailleurs dans le mdih et les nabawiyates. Il effectue un pélerinage à la Mecque en 1987. Guerouabi qui a commencé à taquiner la mandale à l'âge de neuf ans a accumulé un capital immense grâce au contact et au travail assidu auprès de nombreux maîtres du genre. Toutefois son prestige découle du fait qu'il a su apporter sa touche personnelle et broder une variante singulière sur l'étoffe commune qu'est le chaâbi. Il n'a jamais cessé en fait, même pendant les moments difficiles de sa carrière, d'être à la hauteur de sa réputation, qui a largement dépassé les frontières nationales. A son actif, des centaines de compositions, dont des adaptations de poèmes des XVI Iè et Xvlllè siècles. Il en courage son fils Mustapha à le suivre sur le même chemin et chanter en duo avec lui en 1990. Héritier populaire des grands maîtres du genre et figure emblématique de toute une génération, il renoue avec les textes fiévreux et les poésies qui ont fait sa renommée, dès et début des années 50. La voix suave légèrement éraillée, le " rescapé algérois d'une musique qui s'évaporait de plus en plus dans la variété refait, au début des années 90, un retour éblouissant avec un CD sorti chez Sonodisc, en France, Le chaâbi des maîtres. Cithare, piano, tablas, violons, banjos et guitare constituent l'instrumentation d'un répertoire classique revitalisé et toujours distillé en arabe dialectal. avec une diction et une sérénité extraordinaires.
http://www.webchaabi.com/artistes/gueroua.html

boudjemaa el ankis



EL ANKIS Boudjemaâ (né en 1927) - Maître du Chaâbi.

Né le 17 Juin 1927 à Alger, 1 ère Impasse du Palmier, Bir-Djebbah à la Casbah, au sein d'une famille pauvre et nombreuse. Mohamed Boudjemaâ est originaire du village Ait Arhouna, commune de Tigzirt-sur-Mer. Son père était coursier et magasinier chez le parfumeur Lorenzy.Le jeune Mohamed, inscrit a l'école Brahim Fatah, obtient son certificat d'études primaires en 1939 a l'âge de onze ans et commence a travailler chez son oncle Hassaîne Boudjemaâ, propriétaire d'une crémerie, avant de rejoindre Sid Ahmed Serri, un autre mélomane au greffe de la cour d'Alger.
De 1939 à 1945, Mohamed Boudjemaâqui rêve déjà de devenirEl Ankis - El Anka était d'ailleurs originaire d'un village voisin de celui du jeune chanteur - s'essaie à la mandoline puis a la guitare, tout en écoutant et en enregistrant les grands maîtres.
Mais il a fallu attendre 1957 pour qu'il s'initie à l'arabe aidé par un oncle paternel.
Grâce aux leçons de Chouiter et de Mohamed Kébaili, dont la troupe travaillait sous l'égide du PPA à la fin des années 30, il fera la connaissance d'artistes tels que cheikh Said El Meddah, aussi prestigieux à l'époque que Mustapha Nador.
En 1942, l'apprenti qu'il était exécutera, pour la première fois en public, à l'occasion d'un mariage, Ala Rssoul El Hadi Salli Ya Achiq.
Dans une troupe créée en 1945, Boudjemaâ évolue entre El Anka et Mrizek, les deux monstres sacrés de l'époque.
Il débute avec un répertoire de mdih comprenant essentiellement les qacidate Chouf li Ouyoubek ya Rassi, Ya Ighafel, Ya Khalek lachia, Zaoubna fi H'mak et El Baz, des poètes Ben Mssayeb, Ben Sahla, Bentriki, Benkhlouf, Kaddour El Allaoui et Driss El Amir.
Toutefois, une part importante du répertoire d'El Ankis lui fut transmise au début de la Seconde Guerre mondiale par Cheikh Said El Meddah, son voisin à notre Dame d'Afrique.
Grisé par le succès, il se met a faire un travail personnel d'arrangement musical et, au milieu des années 50, il se lance dans la chansonnette.
Tal al Djaffa, El Kawi, Goulou lichahlat ayyani sont les principaux titres de cette expérience qui tourna court du fait que la maison Philips dont le directeur artistique était Boualem Titiche, lui refuse ses ouvres. Découragé, il décide de ne plus chanter, casse son mandole et s'engage comme gardien d'un HLM à la cite Climat de France. C'est aussi la guerre de libération qui commence. Il ne fut pas épargné parce qu'il sera arrêté et torturé, à deux reprises par les services spécialisés de l'armée coloniale, en 1957 et en 1960.
Sa sortie de prison coïncide avec une reprise avec Part mais plus celui de la chansonnette.
Djana El Intissar dont il est l'auteur des paroles et de la musique évoquant les manifestations du 11 décembre 1961 est un hymne à l'indépendance. La jeunesse algérienne explose après tant d'années de servitude et recherche le rythme. Pour la cibler, Boudjemaâ El Ankis fait appel à Mahboub Bati et des 1963, la "guerre" éclate: au lieu et place du chaâbi dur et pur, lourd et difficile à comprendre, le duo ressuscite la chansonnette.
Le marché et les ondes sont bombardés d'une soixantaine de tubes à succès dans la veine des Tchaourou 'Alia, Rah El Ghali Rah, Ah ya Intiyya.
Le secret de la réussite; des mots simples, du rythme et des thèmes qui traitent des préoccupations des jeunes. Le créneau sera exploité par des chanteurs plus jeunes tels que Amar Ezzahi, Guerouabi, Hassen Said et El Achab, mais le genre - la chansonnette- connaîtra son summum en 1970 et amorça son déclin a partir des années 80.
Grâce à l'instruction, aux progrès de l'arabisation, le chaâbi classique reprend le dessus et El Ankis abandonne la chansonnette et renoue avec la qaca'id .
Son répertoire compte plus de trois cents chansons allant du medh et du Tajwid au djed en passant par la chansonnette.

Hadj M’hamed El Anka



Hadj M’hamed El Anka: La légende du siècle


Originaires d’Azzefoun, les parents d’El Anka se sont, très tôt, installés à La Casbah d’Alger. Ce fut dans ce quartier populaire : 4, rue Tombouctou, qu’est né, un certain 20 mai 1907, au sein d'une famille modeste, celui qui deviendra le précurseur du chaâbi.
Son vrai nom est Aït Ouarab M’hamed Ouidir Halo. Son père Mohamed Ben Hadj Saîd, souffrant le jour de sa naissance, dut être suppléé par un parent maternel pour la déclaration à l'état civil. C'est ainsi que par inadvertance naquit un quiproquo au sujet du nom patronymique d'El Anka. Son oncle maternel, chargé de l’inscription a répondu « Khalou » (Ana Khalou : je suis son oncle) au préposé au guichet qui cherchait à compléter le nom du petit. Ainsi, Khalou fut traduit par Halo sur le registre de l’état civil.
Sa mère Fatma Bent Boudjemaâ l'entourait de toute l'affection qu'une mère pouvait donner. Elle était attentive a son éducation et à son instruction. Trois écoles l'accueillent successivement de 1912 à 1918: coranique (1912-1914), Brahim Fatah (Casbah) de 1914 à 1917 et une autre à Bouzaréah jusqu'en 1918.
Quand il quitte l'école définitivement pour se consacrer au travail, il n'avait pas encore souffle sa 11 ème bougie.
C'est sur recommandation de Si Said Larbi, un musicien de renom, jouant au sein de l'orchestre de Mustapha Nador, que le jeune M'hamed obtenait le privilège d'assister aux fêtes animées par ce Grand maître qu'il vénérait. C'est ainsi que durant le mois de Ramadhan de l’année 1917, le cheikh remarque la passion du jeune M'hamed et son sens inné pour le rythme et lui permit de tenir le tar (tambourin) au sein de son orchestre (à peine âgé de treize ans). Après cela, il se prit de passion pour la mandoline. Sous l’œil attentif du maître, il ne tarda pas à percer tous les secrets de cet instrument qui avait une place de choix dans les ensembles musicaux de l’époque.
A partir de la, ce fut Kehioudji, un demi-frère de Hadj Mrizek, qui le reçoit en qualité de musicien a plein temps au sein de l'orchestre, qui animait les cérémonies de henné réservées généralement aux artistes débutants.
Le chaâbi, sous sa forme actuelle, doit son existence à Hadj M’hamed El Anka. Il est le créateur incontestable de ce genre particulier de musique populaire qui tire son origine du Moghrabi dont le maître fut cheikh Mustapha Nador ; le premier aussi à utiliser la Mandole et non pas le luth.
En se frottant aux grands noms du milieu artistique, il a réussi à peaufiner ses différents talents grâce à ses capacités d’assimilation et à ses dons multiples en la matière. Au départ, il puisait dans le répertoire du medh, chansons religieuses en louanges à la gloire du prophète et des saints de l’Islam, ce qui l’amena à s’imprégner davantage des anciens textes transmis oralement de génération en génération.
Le futur cheikh se chargea d’amender la transcription de certains d’entre eux car ils étaient fortement rongés par le temps. La tradition du medh s’est vue ainsi rénovée et enrichie d’un apport nouveau : la musique andalouse. Mis à part cheikh Nador, son père spirituel, El Anka a eu à visiter plusieurs sources et ce, afin de parfaire, au mieux, sa formation dans ce genre musical fort particulier. De là, il s’est pris de passion pour les œuvres des grands cheikhs à l’instar de Saïdi Abderrahmane, cheikha Yamna Bent El Hadj El Mahdi, Ben Ali Sfindja et Saïd Derraz.
En 1926, lorsque survînt la mort de cheikh Nador, par la force des choses, le flambeau fut repris par El Anka qui est devenu, de la sorte, le chef de file reconnu et fort apprécié par ses pairs. Pour assurer beauté et richesse à ses textes, il s’est fait entourer de deux spécialistes en la matière. Méticuleux dans son travail, ne laissant rien au hasard, il a pris soin d’intégrer dans sa troupe les meilleurs musiciens de l’époque ; l'orchestre était constitué de Si Saîd Larbi, de son vrai nom Birou, d'Omar Bébéo (Slimane Allane) et de Mustapha Oulid El Meddah entre autres. C'est en 1927 qu'il participa aux cours prodigués par le cheikh Sid Ahmed Oulid Lakehal, enseignement qu'il suivit avec assiduité jusqu'en 1932.
A partir de 1928, année charnière de sa carrière artistique, il entre en contact avec Columbia, une grande maison d’édition où furent enregistrés 27 disques (78 tours)
Il participa à l’inauguration de l’ENRS (ex-Radio PTT d’Alger)
Le 5 août 1931, cheikh Abderrahmane Saîdi venait de s'éteindre. Ce Grand cheikh disparu, El Anka se retrouvera seul dans le genre mdih.
En 1932, à l’occasion de la fête du Trône, le roi du Maroc l’a reçu en invité de marque. Son pèlerinage aux Lieux saints de l’Islam s’est réalisé en 1936 et, en la circonstance, il composa la sublime chanson El Houdja. Dès son retour, il se lança à nouveau dans d’innombrables tournées aux quatre coins du pays et au sein de l’émigration, en France.
Des son retour de La Mecque, en 1937, il reprit ses tournées en Algérie et en France et renouvela sa formation en intégrant HadJ Abderrahmane Guechoud, Kaddour Cherchalli (Abdelkader Bouheraoua décédé en 1968 à Alger), Chabane Chaouch à la derbouka et Rachid Rebahi au tar en remplacement de cheikh Hadj Menouer qui créa son propre orchestre.
Durant la seconde guerre mondiale, il a eu à traverser une période difficile. Il a fallu attendre 1946 pour le voir renouer avec son grand amour et prendre la direction de l’orchestre populaire de la station radiophonique d’Alger.
En 1955. il fait son entrée au Conservatoire municipal d'Alger en qualité de professeur charge de l'enseignement du chaâbi. Ses premiers élèves vont devenir tous des cheikhs à leur tour, assurant ainsi une relève prospère et forte, entre autres, Amar Lâachab, Hassen Said, Rachid Souki, etc.
Une longue traversée du désert eut également lieu pendant la Révolution.
A l’indépendance, il reprit en main l’orchestre de la RTA qu’il quittât définitivement en 1964 pour incompatibilité d’humeur avec les responsables de l’époque.
Pour El Anka, la dignité humaine ne se marchande pas. Il n’était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Au départ, El Anka s’est essayé à la chanson kabyle. Quelques œuvres ont été répertoriées dont la plus célèbre s’intitule A mmi âzizen (Ô, cher fils), chanson composée en 1936 et qui est reprise par certains chanteurs en son hommage. L’autre grand mérite d’El Anka est d’avoir réussi le pari de sortir le chaâbi des cafés et autres lieux de rencontre, en le rendant accessible au grand public.
Ce monument de la culture populaire a, à titre indicatif, interprété près de 360 poésies ( qaca'id ) et produit environ 130 disques. Après Columbia, il réalise avec Algériaphone une dizaine de 78 t en 1932 et une autre dizaine avec Polyphone.
EI-Hadj M'Hamed El-Anka a bien pris à cœur son art: il a appris ses textes si couramment qu'il s'en est bien imprégné ne faisant alors qu'un seul corps dans une symbiose et une harmonie exceptionnelle qui font tout le génie créateur de l'artiste en allant jusqu'à personnifier, souvent malgré lui, le contenu des poésies qu'il interprète; les chefs-d’œuvre Lahmam lirabitou, Sebhan ellah ya ltif sont assez édifiants et suffisent pour nous renseigner sur la grandeur d’un des plus grands piliers de la culture algérienne. L’unique source de référence qui existe sur ce vénéré « cheikh des cheikhs » est le livre-portrait du journaliste-écrivain Rabah Saâdallah, un de ses plus proches amis, et comble de l’absurde, l’ENTV ne dispose que de deux enregistrements filmés de cette légende du siècle.
La grande innovation apportée par EI-Hadj El-Anka demeure incontestablement la note de fraîcheur introduite dans une musique réputée monovocale qui ne répondait plus au goût du jour- Son jeu instrumental devient plus pétillant, allégé de sa nonchalance. Sa manière de mettre la mélodie au service du verbe était tout simplement unique. Après plus de cinquante ans au service de l'art, El Anka animera les deux dernières soirées de sa carrière jusqu'à l'aube, en 1976, à Cherchell, pour le mariage du petit-fils de son maître cheikh Mustapha Nador et, en 1977, a El-Biar, chez des familles qui lui étaient très attachées.
Après avoir consacré plus d’un demi-siècle à sa passion artistique, Hadj M’hamed El Anka rendît l’âme le 23 novembre 1978 à Alger et fut enterré au cimetière d’El Kettar. Ainsi est né le mythe El Anka !

samedi 25 août 2007

Biographie de Amar Ezzahi


Amar Ezzahi: Maître du blues Algérois


« Les chanceux sont ceux qui arrivent à tout, les malchanceux ceux à qui tout arrive. »
Proverbe populaire



De son vrai nom Amar Aït Zaï, né 1er janvier 1941 à Ain El Hammam (Tizi-Ouzou), C'est en écoutant Boudjemaa El Ankis, dans les années 60, qu'il aima le chaâbi.
Sa première rencontre avec la musique fût avec une dame Allemande qui lui apprenait le piano...
Ezzahi se fera un chemin dans le chaâbi après la rencontre en 1963 avec cheïkh Lahlou et Mohamed Brahimi dit cheïkh Kebaïli qui le conseillèrent et l'encouragèrent tout en lui remettant des anciennes qacidate et l'initièrent au rythme de chanson de ces textes. La suite, il la fera avec Kaddour Bachtobji qui l’accompagnera durant près de deux décennies, avec lequel il a commence à travailler en 1964. Il écoutera d’une oreille attentive les compositions de Mahboub Bati. Ezzahi put alors développer sa pratique musicale. Autodidacte, il apprendra le chaabi sur le tas.

Son premier enregistrement date de 1968, Ya djahel leshab et Ya el adraâ furent les deux premières chansons de son premier 45t qui le propulseront parmi les meilleurs chanteurs de sa génération. La musique et les paroles étaient de Mahboub Bati. En 1971, il enregistre trois 45t et en 1976, deux 33t. II compte trois chansons à la radio et quatre autres à la télévision. Comme Sali trache qelbi, Dik echemaâ et autre Mahajti b’dhya chemaâ.

Sa première cassette « Ya rab El I bad » sort en 1982, s’en suit après quelques enregistrements en studio « Ya Dif Allah, El Djafi, Hadjam El Ouala3ine, Zennouba, Ya Kadi nass El Ghram, Nabiwni Radou Ledjouab, Ya’l Ghafel Toub, Ghadder kassek Hat Noubti, El Harraz, Koub ou’ara, Youm El Khmis, Men Houa Rouhi W’rahti, Anaya Berrani Ghrib, Mir El Ghiwane, Asmaa Noussik Ya Insane »
Modeste, réservé, se confiant rarement, fréquentant souvent le café ''El Kawakib", Ammar Ezzahi, l'un des plus brillants interprètes du chaabi des années 70, disparaît pratiquement de la scène artistique à partir de 80 et n'est présent que lors des fêtes familiales. Il réapparaît le 10 février 1987 dans un récital à la salle Ibn Khaldoun à Alger, où il interpréta entre autre « El Kaoui, Ghadder Kassek Ya Ndim, Taleb Tiri Aalla, Mekka y’al **** El Haoui, El Harraz » pour s'effacer à nouveau

Depuis 2000, Ezzahi n'a plus réapparu en public et est rarement retourné à El Kawabib « l’Etoile de la Rampe Vallée », par suite de problèmes de santé. Le chanteur le plus populaire et le plus talentueux de sa génération est maintenant considéré comme une véritable énigme dans le monde de la musique. Totalement retiré du circuit des médias depuis plusieurs années, Ezzahi laisse ses nombreux admirateurs sur leur faim.
Sans doute, décèlera-t-on, ce trait de caractère dans l’une de ses premières chansons. « Ô lune, je n’ai pas besoin que tu te poses dans mes bras Je n’ai pas besoin que les étoiles me gratifient d’une danse nadawia » Une complainte comme il en a tant chanté.

C’est que l’homme a horreur des mondanités et du superflu. Modeste, simple et généreux, intolérant face à la verbosité et aux excès, il a fait du chaâbi sa raison de vivre. Sa renommée, il la doit à son immense talent qu’il met à la disposition des humbles gens comme lui. S’il refuse de se produire devant le grand public, il trouve en revanche un immense plaisir dans les réunions familiales intimes, car, dit-il, « chanter devant un petit parterre d’amis et de connaissances vaut toutes les sensations du monde »
Abderahmane Kobbi en est un, qui a débuté pratiquement à la même période que Ammar. Il en garde un souvenir vivace. « Ammar est à mes yeux un grand chanteur qui a énormément apporté à la musique algérienne, particulièrement au chaâbi. Il l’a enrichi et rendu plus populaire. J’ai d’excellents rapports avec lui. On se rencontre souvent dans des concerts ou en privé. C’est un ami avant d’être un musicien, dont j’apprécie le style et la manière d’interpréter les qacidate » Interprète type du « blues » algérois, Ammar puise sa force dans l’improvisation. Il peut changer de mode avec une facilité déconcertante.
Orphelin de mère et de père, Ezzahi a longtemps vécu avec sa seule tante. Celle-ci est décédée il y a quelques années, créant un vide dans la vie de Ammar qui a ainsi retrouvé très vite cette solitude qu’il l’a toujours poursuivie et qui a fait de lui un être presque introverti. Le chaâbi, ce compagnon inséparable, l’a-t-il sauvé et soulagé ? Probablement. Car Ammar a quitté si vite l’enfance. Au contact de la musique, il sut qu’il avait trouvé ce qu’il cherchait, un moyen d’exprimer ses émotions, un univers à découvrir qui le protégerait de tout. De la peur, de la solitude, de la tristesse. Jeune donc, il vouait une grande admiration à Boudjemaâ El Ankis, qu’il a d’ailleurs imité à ses débuts. L’élève et le maître se sont par la suite côtoyés, appréciés. El Ankis ne tarit pas d’éloges sur son cadet. « Hamar est un artiste que j’estime beaucoup. C’est un frère pour moi et le meilleur interprète que je préfère écouter. Son travail est bien fait. Dieu l’a doté d’une très belle voix. C’est un perfectionniste dans l’âme, mais qui reste très modeste malgré son talent inestimable », reconnaît aujourd’hui le grand maître du chaâbi qui a animé plusieurs fêtes et mariages aux côtés d’Ezzahi. « Quand je lui parle et le conseille sur telle ou telle chose, il m’écoute attentivement. Dans ce cadre, je lui ai demandé à maintes reprises d’enregistrer ses concerts et d’accorder des entretiens à la presse pour que ses œuvres soient plus connues ainsi que son héritage par les générations futures, mais il a toujours refusé de le faire. Allez savoir pourquoi ? Lorsqu’on essai de s’expliquer cette attitude et cette fuite des projecteurs, il nous dit qu’il veut rester discret et que c’est un secret. » Amimar a toujours été du côté des humbles, des « zaouali » comme il se définit lui-même. Il a ainsi animé sans compter des fêtes gratuitement pour les petites gens aux revenus modestes.

C’est sans doute parce qu’il est l’un des Zaoualiya, que Ammar s’est paré de cette popularité que nul ne peut lui contester. Il l’a arrachée par son talent bien sûr, mais aussi par son acharnement à atteindre l’objectif qu’il s’était fixé. Il savait que pour entrer dans les univers musicaux si variés, il lui fallait des clefs et que seul un travail de tous les instants pouvait les lui donner. Ammar a bossé durement en solo. Un peu perdu, il se laissait bercer par la musique de la mémoire. De ces instants magiques qui remontent à loin,

Hadj El Ankis en garde encore des moments forts. « Il y a environ 40 ans, le cheikh Kebaili Mohamed a circoncit son fils. Il m’a invité pour lui animer la fête à notre Dame d’Afrique avec Omar Mekraza. Pendant le dîner, on m’a informé qu’un jeune allait chanter pour la première fois. C’était Ammar Ezzahi que le grand public ne connaissait pas. Il a commencé par imiter ma voix. Je lui ai donné mon mandole pour chanter. C’était notre première rencontre, et le courant était bien passé entre nous. A le voir chanter avec un timbre de voix assez singulier, je savais qu’il allait percer dans le domaine artistique », avait prédit le disciple d’El Anka. C’est que le petit Ammar a fait du chemin pour appartenir désormais à la lignée des grands maîtres qui se disputent l’héritage musical d’El Anka.

D’ailleurs avec El Ankis et El Hachemi Guerrouabi, il reste l’un des derniers monuments du chaâbi. Mais Ammar, à l’inverse de ses collègues, n’aime pas la publicité sur sa personne. Il a ainsi une sainte horreur des salons officiels, préférant la discrétion aux paillettes des usines à rêves. Il pense que la presse n’a pas de raison à s’intéresser à lui. Ainsi, il refuse les interviews.
Justement à propos de la télévision, les rapports entre Ezzahi et les responsables de l’Unique ont été tout le temps exécrables, fruit d’un énorme malentendu toujours d’actualité. Pourtant, la TV a intérêt à inviter Ezzahi ne serait-ce que pour gonfler son audimat, car le chanteur est le seul, compte tenu de sa popularité, capable de remplir aujourd’hui le stade du 5 juillet avec ses 80 000 spectateurs. C’est un phénomène de société qui n’a pas d’égal.
Ses distances avec le public et la presse ne sont pas synonymes d’une quelconque animosité. Ses proches s’en défendent. « Ammar est un homme de cœur qui aime tout le monde, notamment les gens pauvres avec lesquels il partage ses sentiments et parfois tout ce qu’il possède. Ezzahi est un artiste très sensible, s’il refuse de communiquer avec la presse, ce n’est pas par susceptibilité, mais parce qu’il est convaincu qu’il n’a rien qui puisse justifier la médiatisation. »

Son dernier concert remonte à presque une décennie, lorsqu’il avait fait un tabac à la salle Ibn Khaldoun. Il avait signé son grand retour après une longue éclipse. Depuis, il s’est retiré jusqu’à ce que les enfants de son quartier lui organisent, au crépuscule de ce siècle, une fête en son honneur pour célébrer ses 59 ans. C’est avec son mandole qu’il s’exécuta et chanta avec les tripes les meilleurs morceaux du richissime patrimoine culturel algérois entre autres Youm el djamaâ et Djari ya djari.

En 2002, le chanteur sera hospitalisé en urgence à l’hôpital de Baïnem pour une hyperglycémie. Il se rétablira, alors que l’ENTV - décidément son mauvais génie - l’avait annoncé dans un coma profond, puis pour mort, ce qui avait mis ses fans dans tous leurs états. « C’est honteux pour la télévision de dire pareilles choses alors que Ammar Ezzahi est conscient et reprend progressivement ses forces », ont-il tempêté après le faux scoop de l’Unique. Aujourd’hui, Ezzahi a délibérément choisi une voie marginale qui prive le chaâbi d’une incontestable valeur, qu’il serait regrettable de perdre. Mais comment le sortir de sa solitude et l’entraîner dans la folle ambiance du « heddi », lui le houaoui, le zaouali... Pour Boudjemaâ El Ankis, ce n’est pas faute d’avoir essayé « Pendant les concerts qu’on animait ensemble, il y a toujours eu cette formidable ambiance qui s’est transformée en nostalgie. Avec un seul orchestre, on faisait un carton. Ammar est humain, profondément humain. Il animait des fêtes de mariage, parfois gratuitement et il ajoutait même parfois de sa poche des cadeaux pour les futurs mariés. Beaucoup de jeunes tentent de l’imiter, mais ils n’arriveront jamais à l’égaler, car il est unique dans toute l’acception du terme. »

Il continue à animer les fêtes familiales restreintes. Ses fans le suivent dans les fêtes de famille, et enregistrent sa musique, qu'ils copient et vendent à plusieurs milliers d'exemplaires, en attendent de lui le cadeau tant espéré : qu’il se décide enfin à leur offrir un concert public...
Ses fans Depuis la mort d'El Hadj Mohamed El Anka, connu comme "le Cardinal", Ezzahi a été largement considéré comme son successeur dans une lignée de grands maîtres du châabi, bien qu'il évite les médias et en dépit de la forte concurrence des disciples d'El Anka.




le blues algeroie

Ce genre musical né dans la casbah, qui mêle instruments orientaux du classique arabo-andalou à d’autres venus d’Occident. Le chaâbi naît au début du XXe siècle au coeur de la casbah, à Alger. Chaâbi veut dire « populaire » en arabe. Ce genre national constitue le versant rugueux de la musique savante issue de la grande culture arabo-andalouse médiévale.

Les premiers musiciens de chaâbi sont des gens des campagnes venus peupler les villes. Beaucoup sont kabyles. Les maîtres de cet art relativement récent ont pour nom Cheikh Nador, puis Cheikh El Hadj Mohamed El Ankara et aussi Cheikh Hasnaoui (qui vient de mourir à l’île de la Réunion).

Après la vague d’immigration des Maghrébins, venus en France pour trouver du travail, le chaâbi gagne Paris via Marseille. Il se chante et se joue dans les bistrots des banlieues industrielles. Dahmane El Harrachi (1925-1980) - dont le fils Kamel (vingt-huit ans) est le ténor incontesté des années cinquante quand le chaâbi s’adresse en priorité aux Algériens loin de chez eux. Dahmane El Harrachi chante l’exil intérieur et l’exil extérieur, les difficultés de la vie quotidienne loin de la mère patrie, les tourments de l’amour, la nostalgie du bled.

El Harrachi, qui a quitté Alger pour s’installer en France en 1949, meurt dans un accident de la route. Le chaâbi, sans disparaître tout à fait, marque le pas. Dans les cafés de la ceinture parisienne, il résiste cependant et les amateurs prennent l’habitude de se retrouver le samedi soir à Montreuil.

L’explosion du raï lui porte ombrage, mais depuis quelques années, de jeunes gens reprennent le flambeau. Kamel El Harrachi, par exemple, est de ceux-là. Il est joueur de mandole. Né à Alger après l’indépendance, il réside en France depuis six ans.

Le chaâbi mêle les instruments orientaux du classique arabo-andalou à d’autres venus du classique occidental. On y trouve le derbouk (percussions) et le tambourin, mais aussi le mandole (sorte de grosse mandoline aux sonorités de guitare, munie de quatre cordes doubles en métal), le violon et bizarrement le banjo, sans oublier le piano. Alger est réputée pour ses pianistes et ses accordéonistes.

Les joueurs de chaâbi utilisent toujours leur violon à la verticale comme ils maniaient, jadis, le gimbri qui n’a plus court. Quant au mandole, il a remplacé l’oud, le luth moyen-oriental. Il n’est pas rare d’entendre aussi le piano à bretelles. En revanche, aucun instrument électrique n’est admis, hormis parfois le clavier (pour les quarts de ton), à l’inverse du raï, né à Oran.

Les chants du chaâbi, portés par l’idiome algérois ou berbère, se nourrissent de poésie ancienne mais aussi de textes originaux fiévreusement actuels. Avec, toujours en toile de fond, l’écho du patrimoine, la plainte ancestrale, le pays qui vous manque. Selon le musicien et joueur d’ukulélé Cyril Lefebvre, « les gens attaquent fort, s’expriment violemment, ce qui rapproche à certains égards le chaâbi du blues ». Le chaâbi va, à coup sûr, casser la baraque !

Résumé de l'article de l'Humanité par Muriel Steinmetz.

La Musique Populaire Algérienne

La Musique Populaire Algérienne
La musique Algérienne est faite d'une extraordinaire diversité de styles et de répertoires.
L'Asri ou la musique moderne, le Charqi ou la chanson de variétés d'inspiration orientale, le Chaâbi ou la musique citadine, l'Andalou et ses Noubats, le chant Bedouin, l'Achwwiq kabyle, l'Ahellil de Timimoun, le Tindé de l'Ahaggar, sans parler du Rai oranais qui a déferlé sur l'Algérie, et sur le monde dans les années 90, constituent quelques uns des genres de musique pratiqués collectivement ou en soliste, chez nous.